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Mais alors vinrent les épreuves qui finissent toujours par atteindre même les plus heureux de ce monde. Il perdit d’abord son fils qu’il aimait éperdument, puis sa femme, et ses chagrins réveillèrent ses premières velléités de vocation religieuse. Il avait quarante-sept ans quand il fut ordonné prêtre.

On serait porté à croire qu’il abandonna dès lors la carrière du théâtre. Mais non. Il continua de faire des comédies, des poèmes épiques et d’autres poésies. On a calculé qu’il a fait environ vingt-et-un millions cinq cent mille vers. C’est une fécondité qui laisse bien loin derrière elle celle de tous les poètes connus.

Tout en travaillant pour le théâtre, avec des succès constants, Lope vivait loin du monde et dans un intérieur paisible. Il écrivait alors :

« Avec deux fleurs dans mon jardin, six tableaux et quelques livres, je vis sans désir, sans crainte et sans espérance, vainqueur de la mauvaise fortune, désabusé de la grandeur, vivant dans la retraite au milieu même de la foule, gai dans la médiocrité, et, tout incertain que je suis de l’heure de ma mort, ne m’effrayant pas de ce qu’elle est certaine. »

Outre ses deux fleurs dans son jardin, il avait encore deux enfants qu’il adorait, un fils et une fille.

Mais ses épreuves n’étaient pas finies. Son fils, qui s’était fait soldat, périt sur mer dans une expédition contre les Turcs, et sa fille entra dans un monastère. Il a raconté lui-même la prise de voile de sa fille, et nous extrayons de son récit quelques passages :

« Un soir ma fille me nomma celui qu’elle désirait pour époux……