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avec l’auteur du Barbier de Séville. Sa verve, son esprit brillant, sa liberté d’allures qui pousse quelquefois la plaisanterie jusqu’à la licence, le font ressembler au dramaturge français. Mais il a le fond sérieux d’un penseur.

Il faut reconnaître que le langage galant qu’il prête à ses personnages amoureux est souvent maniéré et excessif. Mais il a de l’originalité et de la saveur.

Tirso n’a pas inventé la légende de Don Juan, mais il est le premier qui l’ait transportée de la chronique au théâtre ; et la forme saisissante qu’il lui a donnée ont rendu son héros célèbre dans toute l’Europe. Molière et Thomas Corneille s’en sont emparé, et l’on sait que Mozart en a fait le plus beau des opéras. Le Don Juan espagnol que Tirso appelle le Séducteur de Séville est un grand débauché, mais il n’est pas un impie. Malgré ses fautes, et au milieu même de ses désordres, il reste croyant. Son dernier mot, quand la statue du Commandeur l’entraîne en enfer, est celui-ci : « laisse moi appeler un prêtre qui me confesse et m’absolve. » La statue lui répond : « tu y songes trop tard. »

Suivant une autre tradition qui a cours en Espagne, Don Juan dont on fait un personnage historique se serait converti, et il aurait fondé la Caridad, grand hospice de charité que j’ai visité à Séville.

Le drame de Tirso est l’un des plus décousus de tout son théâtre, mais il contient des scènes magnifiques.

La plus charmante comédie qu’il ait écrite peut-être, est la Paysanne de Vallecas que l’on joue encore en Espagne avec quelques modifications.