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trois cents pièces, toutes en vers ; mais on n’en connaît que soixante-dix-sept.

Quelques lettrés assignent le second rang à Tirso de Molina parmi les anciens dramatistes de l’Espagne ; mais la plupart des critiques placent au-dessus de lui Lope de Véga et Calderon. Ce qui est certain c’est qu’il est original, et que son génie est essentiellement national. Il n’a imité personne, mais il a été imité et même plagié par des poètes dont la réputation a dépassé la sienne. C’est ainsi que Calderon lui a emprunté le sujet du Jaloux prudent dans son drame À outrage secret vengeance secrète. Molière lui a pris Don Juan. Moreto a plagié la Paysanne de Vallecas. Montalvan et Fragoso l’ont aussi plus ou moins copié.

Tirso de Molina s’est essayé dans tous les genres, depuis le drame sacré jusqu’au simple intermède.

Il est à la fois tragique, lyrique et comique ; peu de poètes ont plus de verve et plus d’esprit.

Son style, « dit M. Alphonse Royer, » est peut-être son plus beau titre de gloire, nerveux, enjoué, rapide, varié selon les circonstances, et toujours d’une irréprochable pureté. Sa phrase poétique est aussi étincelante que celle de Lope ; mais tous les critiques se plaisent à reconnaître qu’elle est plus correcte. Les rimes ont une ampleur et une abondance rares. Il a enrichi la langue espagnole d’une foule d’expressions nouvelles et de tours de phrases inconnus avant lui. Beaucoup de ses vers sont devenus des proverbes. »

M. Philarète Chasles l’a appelé un Beaumarchais en soutane ; et il est certain qu’il a des points de contact