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l’amour ? Comment naît l’amour ? Quelles épreuves engendre l’amour ? Quels biens et quels maux résultent de l’amour ? Toujours, partout, et pour tous l’amour !

L’héroïne principale, Diana, est une espèce de bas-bleu philosophe, qui prétend s’affranchir de ce sentiment, et qui répond par le dédain à toutes les preuves d’amour qu’on lui donne.

Un des admirateurs dédaignés de cette belle insensible, don Carlos, a un domestique qui est une espèce de bouffon fort spirituel ; ce bouffon conseille à son maître de simuler dédain pour dédain. Cette feinte blesse dans sa vanité Diana qui se croyait irrésistible, et finalement c’est à force de froideur toujours simulée que don Carlos réussit à enflammer cette coquette ignifuge.

Comme étude du cœur féminin c’est assez conforme à la nature ; et, quoiqu’un peu trop longue, la pièce abonde en traits piquants, en fines reparties, et en observations philosophiques souvent profondes.

On me saura gré d’en reproduire quelques-unes.

« Pour celui qui dans l’obscurité voyage dans un mauvais chemin, il n’y a pas de meilleure lumière qu’une chute. »

« Les femmes sont comme des artichaux dont les feuilles grossissent la marchandise, mais dont on ne mange que le cœur. »

« On estime toujours plus ce dont on est privé que ce que l’on obtient. »

Le bouffon dit en parlant de l’amour : « C’est une angoisse, une trahison, une lâche tyrannie, c’est un quitte-raison, un quitte-sommeil, un quitte-fortune, un