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n’est possible que par la mort d’Inez, et les conseillers du roi ont prononcé sa mort. Le sort de la malheureuse femme se décide dans le troisième acte, et ses paroles au roi sont des plus touchantes. Quand l’un des conseillers lui ordonne de descendre devant le roi, elle va se jeter à ses pieds en disant : Se mettre aux pieds du roi ce n’est pas descendre, c’est s’élever.

Suivant la mode du temps, le poète a mis en scène un bouffon, et il lui fait tenir le langage le plus extravagant. Brito (c’est le nom du bouffon) rendrait des points à Molière dans le style des précieuses.

Écoutez plutôt ce langage figuré dans lequel Brito, chargé d’un message pour Inez, rend compte au prince de sa visite : « Je dirigeai mes pas vers le domaine du Mondego qui tient en gage la beauté souveraine de ta maîtresse. J’y entrai lorsque le soleil rendant l’aurore jalouse, semble s’enamourer de cet orient divin qui a nom Inez, soleil d’un soleil plus voyageur…… Sur le lit doré, théâtre de votre amour, j’admire s’éveillant avec le matin, et perdant d’amour les bronzes et les marbres, j’admire les yeux, splendides étoiles, le visage de neige et de nacre, la bouche, cet œillet ! le front et les mains en cristal de roche, les cheveux, véritables rayons de soleil d’Inez de Castro, entourée d’Alonso et de Dionis, suspendus dans un accès de tendresse au cou d’albâtre de leur mère, Inez de Castro, cette aurore en chair humaine, cet avril tissé de matin, ce ciel abrégé et illuminé du feu des étoiles. Je demeurai attendri et hésitant ; contemplant cet arbre généreux d’où pendaient ces deux enfants en guise de grappe de diamant…