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ciel. On ferme les portes de la ville, et Gaïferos en fait sept fois le tour sans trouver par où s’échapper. Le roi Almanzor sort de la mosquée, des trompettes sonnent, et tant de Maures s’arment que c’est chose merveilleuse à voir.

« Plût au Dieu du ciel, dit Mélicenda, et à sainte Marie sa mère, que votre cheval fût tel que celui de don Roland ! Souvent je lui ai entendu dire dans le palais de l’empereur que lorsqu’il se trouvait entouré par les Maures, il n’avait qu’à serrer la sangle, dégager le poitrail, attaquer sans pitié des éperons, et que le cheval était forcé de sauter pardessus tous les obstacles.

« Gaïferos met aussitôt pied à terre, serre la sangle, et dégage le poitrail : prend en croupe Mélicenda qui tient son corps embrassé par la ceinture, et comme les Maures l’entouraient en poussant des clameurs il attaque le cheval des éperons et lui rend les rènes. Le cheval bondit, et saute pardessus les Maures et les remparts.

« Mais bientôt sept bataillons de Maures se mettent à sa poursuite, et finissent par l’entourer, parce que le cheval ne voulait pas marcher quand il fuyait les Maures ; mais quand il revenait contre eux il allait avec une telle fureur, que de l’emportement qu’il y mettait il semblait que la terre tremblait. Si le chevalier combattait bien, le cheval se battait mieux encore. Il tuait tellement de Maures que la terre était toute couverte de sang.

« Le roi Almanzor dit : ce doit être le paladin Roland qui est enchanté, et il renonça à la poursuite.