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ter, et qu’ils ne le laissent jouir ni d’une branche ni d’une feuille. »

Gaïferos arrive à Sansuena, cette ville, pendant que le roi Almanzor est à prier dans la mosquée avec ses chevaliers. Sur le chemin de ronde il aperçoit un captif, et l’interroge. Il apprend que parmi les captives chrétiennes il en est une qui est française, et que beaucoup de rois Maures voudraient épouser. Il s’en va sur la grande place faisant face au palais royal, et il aperçoit Melicenda, son épouse, à une grande fenêtre.

« Chevalier, lui crie-t-elle, si vous vous en allez en France, informez-vous de don Gaïferos, et dites-lui que son épouse se recommande bien à lui, et qu’il est temps qu’il vienne la délivrer. S’il n’a pas peur de combattre les Maures, c’est qu’il a d’autres amours qui m’ont fait oublier. S’il ne reçoit pas ce message avec plaisir, remplissez-le près d’Olivier, remplissez-le près de Roland. Transmettez-le à mon père l’empereur. On veut ici que j’épouse un roi Maure ; un roi d’au-delà de la mer, et de cet autre roi Maure on veut me couronner la reine. Ces rois me tourmentent tant qu’enfin ils me rendront mauresque, mais l’amour de Gaïferos je ne puis ainsi l’oublier. »

« Ne pleurez pas ainsi, madame, répond Gaïferos ; toutes vos commissions vous les pourrez faire vous-même ; quand je suis en France, on m’appelle Gaïferos, et c’est mon amour pour Mélicenda qui m’a conduit ici. »

« À ces mots Mélicenda accourt sur la place et vient embrasser Gaïferos. Un chien de Maure qui gardait des chrétiens pousse alors des cris qui montent jusqu’au