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Une autre romance qui appartient également au cycle carlovingien, chante un neveu de Roland nommé Gaïferos, et qui est sans doute le Gaiferus des chroniques de l’archevêque Turpin. Le style en est original et soigné.

Gaïferos joue au tric-trac dans le palais royal lorsque l’empereur Charles s’approchant, lui dit : « Si vous étiez aussi disposé, Gaïferos, à prendre les armes qu’à tenir les dés, votre épouse, qui est ma fille, ne resterait pas prisonnière chez les Maures. Elle fut beaucoup demandée, et ne voulut prendre personne puisqu’elle vous a épousé par amour ; l’amour devrait la délivrer. Si elle eut épousé un autre que vous, elle ne serait plus en captivité »

Gaïferos se leva de table plein de dépit, et chercha son oncle Roland qu’il trouva dans la cour avec d’autres chevaliers.

« Au nom de Dieu, mon oncle, je viens vous prier de me prêter vos armes et votre cheval ; car l’empereur m’a fort mal traité disant que je suis bon pour jouer et non pour prendre les armes. Vous savez bien, vous, mon oncle, qu’on ne peut pas m’accuser puisque j’ai été à la recherche de ma femme. Trois ans j’ai couru par monts et par vaux, mangeant la chair crue, buvant le sang rouge, traînant mes pieds déchaussés et les ongles sanglants ; je ne pus jamais la trouver. À présent je sais qu’elle est à Sansuena, à Sansuena, cette ville. Mais vous savez que je suis sans cheval et sans armes ; Montesinos les a dans les tournois en Hongrie, c’est pourquoi je vous prie mon oncle, que vous me prêtiez les vôtres.