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L’histoire d’Espagne offrait à ses poètes une mine abondante d’événements prodigieux, de luttes épiques, et de personnages chevaleresques. Romains et Visigoths, Juifs, Maures, et Chrétiens, se sont entrechoqués sous le ciel azuré de la Péninsule Ibérique. Tous y ont laissé des traces ineffaçables de leur passage, et des souvenirs de leur gloire.

Que de héros légendaires chantés par les poètes, depuis Rodrigue, le roi Visigoth détrôné par Islam, jusqu’au Cid Campeador ! Quel monde de poésie évoquent les seuls noms de Tolède, de Cordoue et de Grenade ! Que de fantômes l’imagination voit voltiger autour de l’Alhambra et du Généralife, ou dans les patios des alcazars !

À côté des rois maures et des Zambras voluptueuses, que de chevaliers chrétiens on voit surgir ! Quelle lutte de géants s’engage alors entre les enfants du Christ, et les fils du Prophète ! Lutte unique dans l’histoire, qui a duré huit siècles, qui commence avec Pélage et qui finit avec le grand capitaine Gonzalve de Cordoue !

Le souffle qui anime le romancero espagnol est surtout patriotique, et l’on peut dire que tous ses chants sont essentiellement nationaux.

La plus ancienne peut-être des romances espagnoles est celle du roi Rodrigue, le dernier roi Goth. Elle chante sa défaite qui entraîna la chute de sa dynastie, et qui fit passer l’Espagne sous le joug des Arabes. Naturellement elle est profondément triste, et après avoir raconté la dernière bataille, elle finit ainsi :

« Rodrigue quitte ses tentes et fuit de son camp.