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Enfin, c’est vers le onzième siècle que l’idiome national prévaut, et c’est vers le même temps que le Cid accomplit ses merveilleux exploits, et remplit de sa gloire toute l’histoire de cette époque.

Deux siècles après, la légende et la poésie s’emparèrent de cette gloire et firent du fameux paladin un héros beaucoup plus grand que nature.

Alors régnait le roi castillan, qui est resté fameux sous le nom d’Alphonse le Sage, et qui prétendait avoir trouvé la pierre philosophale.

Sous son règne, la langue nationale progresse, et dans les siècles suivants paraissent toutes ces romances ou chansons de geste, qui ont formé le romancero espagnol. Il va sans dire qu’une grande partie de ces chants est consacrée à célébrer les exploits du Cid.

Cette poésie primitive de l’Espagne révèle toujours une inspiration élevée. Elle ne se dégrade jamais à peindre sous des couleurs chatoyantes les infirmités morales de la société. Comme toute poésie véritable, elle plane entre ciel et terre, et n’aspire qu’à établir des communications entre l’humanité et Dieu.

Comme la littérature de tous les peuples enfants, elle est d’abord légendaire, et il ne faudrait pas confondre la légende des romances avec l’histoire. Mais il ne faut pas non plus s’imaginer que tout soit fabuleux dans ces romances. Le fond est vrai, et beaucoup de ses personnages sont historiques. Mais pour célébrer dignement leurs hauts faits, les romances les enveloppent de voiles mystérieux et de merveilles ; car le merveilleux est l’élément essentiel de toute poésie