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sance, il l’éloigna de lui le plus souvent possible. Mais dans les grands dangers il avait soin de le rappeler parce qu’il en avait besoin.

Il y a sur les confins de l’Aragon et d’Abaracin un rocher escarpé qu’on appelle encore la roche du Cid (Peña del Cid). Le célèbre paladin s’y était construit un château d’où il faisait d’incessantes incursions dans les provinces des rois maures, à la tête d’une petite armée qui lui était entièrement dévouée.

Un jour, il poussa même son expédition jusqu’à Valence, en fit le siège, et s’en empara. Ce fut une grande perte pour les Maures, et longtemps ils la déplorèrent ; mais tant que le Cid vécut ils ne tentèrent même pas de la reprendre.

En l’an 1099 le grand soldat de Dieu mourut, et dès qu’ils en furent informés, les Maures organisèrent une armée qui vint mettre le siège devant Valence.

Les vieux soldats du Cid, commandés par dona Chimène, sa veuve, résistèrent énergiquement. Le siège fut levé, puis repris l’année suivante. Enfin, le roi de Castille décida qu’il valait mieux abandonner la ville, et les chrétiens se préparèrent à en sortir.

Les anciens camarades du Cid, qui avaient conservé son corps embaumé, le revêtirent de son armure, l’assirent sur son fameux cheval de bataille Babiéca, lui mirent dans la main droite Tisona, sa valeureuse épée, et le firent marcher en avant comme il avait coutume de faire dans les batailles.

Les Maures crurent à une sortie en masse, et livrèrent le passage sans engager le combat.