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d’une gloire espagnole, mais en y réfléchissant la chose s’explique : Les Arabes, à qui le Cid avait fait tant de mal, s’en sont toujours souvenus, et les Espagnols, auxquels il avait fait tant de bien, l’avaient presque oublié. On reconnaît là la nature humaine avec ses travers peu honorables.

Il s’est pourtant rencontré des Espagnols qui ont pris soin de transmettre à la postérité un témoignage de la grandeur du Cid : Ce sont les Pères d’un concile tenu en Espagne, en 1160, c’est-à-dire soixante ans environ après la mort du Cid.

Les actes de ce concile constatent « que le grand Rodrigue d’Idaz, surnommé le Cid Campéador, a bâti une église aux portes de Burgos, dans le fossé où il avait rencontré saint Lazare sous la figure d’un lépreux, au retour d’une de ses glorieuses expéditions. »

Depuis vingt-cinq ans, les Espagnols sont revenus au culte un peu négligé de certaines gloires d’autrefois, le Cid, Fernand Cortez, Christophe Colomb et Cervantes.

En tout ce qui concerne le Cid, il est bien difficile de dégager l’histoire de la légende. Cependant je crois qu’on peut considérer comme historiques les faits que je vais rapporter.

Le Cid vécut sous le règne d’Alphonse VI, et ce fut lui qui fit jurer au roi qu’il n’avait eu aucune part à la mort imprévue de son frère, le roi de Castille. Sans ce serment, le Cid n’aurait pas consenti à ce que la couronne de Castille passât sur la tête d’Alphonse VI.

Ce roi lui en garda rancune, et comme le Cid était d’ailleurs un héros assez incommode, et rebelle à l’obéis-