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nous. De l’autre côté, l’Espagne déroulait à perte de vue les plis irréguliers de ses sierras ombragées.

Un vieux soldat nous conduisit dans les galeries souterraines du vieux château ; il nous en montra les oubliettes et nous en raconta les légendes. Puis, nous redescendîmes vers la ville, et nous allâmes chez un grand marchand de vin goûter les plus célèbres crûs de Malaga. Ce sont bien les meilleurs que l’on puisse boire ; mais les prix en sont très élevés, et les commerçants ne savent pas qu’il leur serait possible d’exporter des vins au Canada.

Malaga compte 85,000 habitants. Comme toutes les villes d’Espagne, elle a son Alaméda qui est une charmante promenade. Ses habitants sont un peu querelleurs, et manient trop bien le couteau. Pendant que nous y étions, un créancier a voulu forcer à coups de couteau son débiteur à le payer, et ils se sont si bien battus qu’ils en sont morts tous deux. Le drame s’est d’ailleurs accompli en plein restaurant, au milieu d’un cercle de spectateurs.

Quand on a vu la cathédrale et le castillo, il ne reste plus rien d’intéressant à voir à Malaga, et je me sens triste de penser que je vais quitter l’Espagne.

Mais j’emporte le souvenir de ce beau pays, et je puis lui adresser ce proverbe arabe :

Tu peux, sans t’absenter, t’éloigner tout-à-l’heure ;
Tu restes dans mes yeux, mon cœur est ta demeure.

J’étudie son histoire, sa littérature, son théâtre, et plus je la connais plus mon admiration grandit.