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découvrons à droite les côtes escarpées et sauvages de l’Afrique.

À gauche, sur tous les promontoires et sur les crêtes des montagnes, défilent les vieilles tours du guet, bâties les unes par les Arabes et les autres par Charles-Quint. C’est la côte méridionale de l’Espagne.

Bientôt les deux continents se rapprochent et nous arrivons à Tarifa, très vieille ville mauresque, entourée d’antiques fortifications en ruines, et qui s’avance jusqu’au bout d’une pointe comme pour se jeter à la mer et regagner l’Afrique, la patrie de ses ancêtres.

Ici le détroit n’a plus que huit milles de largeur, et ressemble à une grande promenade publique entre deux continents, l’un bordé de villes blanches et pittoresques, et l’autre, sombre avec ses montagnes incultes et ses rochers désolés. Les colonnes d’Hercule forment le portique de cette promenade, et les promeneurs qu’on y voit circuler sont les peuples, laissant flotter au vent leurs pavillons variés, revenant vers l’ancien monde ou courant vers le nouveau sur leurs innombrables navires. Le spectacle est vraiment grandiose.

Devant nous se dresse au loin le rocher de Gibraltar, jeté comme une borne gigantesque entre deux océans. Le soleil décline à l’horizon. La mer, houleuse depuis le matin, s’aplanit graduellement et nous berce dans ses molles ondulations. Nous courons à toute vapeur au milieu des navires, qui se croisent en tous sens et qui échangent des saluts.

Gibraltar grandit et dessine ses énormes contours. Bientôt nous distinguons les murailles qui escaladent le