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Je fais la connaissance du traducteur, un Espagnol, très causeur, et nous causons.

Je lui confie que je voyage pour ma santé, et que je souffre de dyspepsie.

— Eh ! bien, je vais vous donner une recette, qui est un proverbe espagnol : « Nourris-toi de la viande d’aujourd’hui, du pain d’hier, et du vin de l’année passée, et tu diras adieu au médecin. »

— En d’autres termes : viande fraîche, pain sec, et vieux vin ?

— Précisément, mais nous avons un autre proverbe dont les médecins sont probablement les auteurs : « Loin de la ville, loin de la santé. »

— Oui, c’est un éloge de la médecine ; mais les médecins eux-mêmes n’y croient pas, puisqu’ils conseillent la campagne à leurs malades des villes.

Nous continuons à causer, et il me fait connaître quelques-uns des poètes contemporains de l’Espagne, et surtout Don José Gonzalez de Tejada, dont il lit les poésies. Il m’en signale une tout particulièrement, dont j’ai trouvé une traduction dans Antoine de Latour, et que je reproduis comme boutade à l’adresse de mes amis journalistes.

Voici comment le poète raconte l’origine de la presse :

« Faisant une éponge du globe avec ses larmes, l’homme arrive tout trempé devant le trône de Jupiter.

« Et dit : — bonsoir, ô déité puissante, fabricateur d’étoiles, de mondes et de poulets ;

« Tu nous créas un jour avec rien délayé dans un peu de boue, et tu nous donnas le génie dans une molle doublure de chair.