Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 158 —

noms glorieux qu’on lui crie de tous les côtés, et arrive enfin sous la loge du roi.

« Le roi met la main à la poche, tire un porte-cigares plein de billets de banque et le jette : le torero l’attrape au vol, la foule éclate en applaudissements. Pendant ce temps, la musique joue la marche funèbre du taureau ; une porte s’ouvre, et l’on voit entrer au galop quatre superbes mules ornées de plumets, de glands et de rubans jaunes et rouges, conduites par une troupe de chulos ; elles emportent l’un après l’autre les chevaux morts, puis le taureau, qui est porté tout de suite sur une petite place voisine, où une horde de gamins l’attendent pour tremper leur doigt dans son sang, après quoi il est écorché, dépecé et vendu.

« L’arène reste libre, la trompette sonne, le tambour bat : un autre taureau se précipite hors de sa prison, attaque les picadores, éventre les chevaux, offre son cou aux banderilleros, est tué par un espada ; et ainsi se présentent dans l’arène l’un après l’autre, sans interruption, six taureaux. »

Je suis d’opinion que ces jeux sont barbares ; mais je crois qu’il serait bien difficile de les abolir. On l’a tenté à plusieurs reprises, mais sans succès.

Dans tous les cas, s’il faut que le peuple s’amuse, on admettra que cet amusement a beaucoup moins d’inconvénients que le théâtre immoral.