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« Les dix mille spectateurs se levèrent tous à la fois en criant : « Il l’a tué ! » Mais le banderillero s’était échappé. Le taureau courut en avant et en arrière entre les deux barrières, sous une pluie de coups de bâton et de coups de poing jusqu’à ce qu’il arrivât à une porte ouverte : il rentra dans l’arène et la porte se referma.

« Alors tous les banderilleros et tous les capeadores s’élancèrent de nouveau autour de lui ; l’un d’eux, passant derrière, lui tira violemment la queue, et disparut comme un éclair ; un autre, en courant, lui entortilla les cornes avec sa capa ; un troisième poussa l’audace jusqu’à aller lui cueillir avec la main un petit nœud de ruban qu’on lui avait attaché sur la croupe ; un quatrième, le plus téméraire de tous, planta une lance en terre sur le passage du taureau qui courait, et faisant un saut, passa par dessus lui et alla retomber de l’autre côté, en jetant la lance entre les jambes de l’animal stupéfait. Et ils faisaient tout cela avec une rapidité de prestidigitateur et une grâce de danseur, comme s’ils avaient joué avec une brebis ! Pendant ce temps l’immense foule faisait retentir le cirque de rires, d’applaudissements, de cris de joie, d’admiration et de terreur.

« La trompette sonne de nouveau ; les banderilleros ont fini. C’est le tour de l’espada ; c’est le moment solennel, c’est le dénouement du drame ; la foule se tait, les dames se penchent au dehors de leurs loges, le roi se lève.

« Le célèbre Frascuelo, tenant à la main l’épée et la muleta, qui est un morceau d’étoffe rouge attaché à un