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« Les capeadores l’attirèrent adroitement de ce côté ; le taureau, voyant le premier cheval, s’élança dessus la tête basse. Mais cette fois son attaque n’eût pas de succès : la lance du picador le frappa à l’épaule et l’arrêta ; le taureau s’obstina, poussa, fit effort avec toute sa masse, mais en vain, le picador tint bon ; le taureau recula, le cheval fut sauvé, et un tonnerre d’applaudissements salua son sauveur. L’autre picador fut moins heureux ; le taureau l’attaqua, il ne réussit pas à planter sa lance ; la corne formidable pénétra dans le ventre du cheval avec la rapidité d’une épée, s’agita dans la blessure, s’en retira : les intestins du pauvre animal tombèrent et restèrent pendants comme un sac, presque jusqu’à terre ; le picador resta en selle. Là on vit une chose horrible. Au lieu de descendre, le picador, voyant que la blessure n’était pas mortelle, donna de l’éperon et alla se poster à un autre endroit pour attendre un second assaut : le cheval traversa l’arène avec ses intestins sortis du corps, qui lui battaient dans les jambes et embarrassaient sa marche ; le taureau le suivit quelques instants, puis s’arrêta. À ce moment on entendit une sonnerie de trompettes : c’était le signal de la retraite des picadores. Une porte s’ouvrit et ils s’en allèrent au galop l’un après l’autre ; il resta deux chevaux morts, et çà et là des mares et des ruisseaux de sang, que deux chulos recouvrirent de terre.

« Après les picadores, viennent les banderilleros ; pour les profanes c’est la partie la plus agréable du spectacle, parce que c’est la moins cruelle. Les banderillas sont des flèches longues d’environ deux palmes ornées de