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« La musique joue, la porte s’ouvre, on entend une immense explosion d’applaudissements, les toreros s’avancent. D’abord viennent les trois espadas, Frascuelo, Lagartijo, Cayetano, les trois fameux, vêtus du costume de Figaro dans le Barbier de Séville, de satin, de soie, de velours orange, incarnat, bleu, couverts de broderies, de franges, de galons, de filigranes, de rubans, de pendeloques d’or et d’argent qui cachent presque tout le vêtement…

« Après eux, viennent les banderilleros et les capeadores, en groupes, couverts d’or et d’argent eux aussi ; puis les picadores à cheval, deux par deux, une grande lance au poing… puis les chulos, ou serviteurs, en habits de fête ; et tous ensemble traversent majestueusement l’arêne et se dirigent vers la loge du roi…

Toute la cuadrilla s’arrête devant la loge royale et salue… La bande des toreros se disperse, les espadas sautent pardessus la barrière, les capeadores s’éparpillent dans l’arène en agitant leur cape rouge et jaune, une partie des picadores se retirent pour attendre leur tour, les autres éperonnent leurs chevaux et vont se poster à gauche du toril, où sont enfermés les taureaux…

« C’est un moment d’agitation, d’anxiété inexprimable ; tous les regards sont fixés sur la porte par où sortira le taureau ; tous les cœurs battent ; un silence profond règne dans tout le cirque ; on n’entend que le mugissement du taureau qui s’avance dans l’obscurité de sa vaste prison, et qui semble crier : du sang ! du sang ! Les chevaux frémissent, les picadores pâlissent… Encore un instant… la trompette sonne, la porte