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Naturellement, les sentiments religieux du peuple avaient été un peu exaltés par la lutte, et la haine contre les Juifs était vivace. Comme aujourd’hui, en Europe, la richesse publique leur appartenait, et ils pressuraient les chrétiens, leurs débiteurs, jusqu’à les priver de leurs libertés légitimes.

Plusieurs fois les exactions des capitalistes juifs avaient soulevé des mouvements populaires, et le sang de cette race méprisée avait coulé en abondance.

Pour empêcher le retour de ces émeutes sanglantes, il fallait protéger l’indépendance des chrétiens contre la cupidité et les persécutions des Juifs ; et l’établissement d’un tribunal spécial était un moyen plus régulier et plus humain que la force des armes.

Remarquons bien que ce tribunal était une institution politique, fondée par Ferdinand et Isabelle, et on peut l’accuser d’abus sans accuser l’Église.

Au contraire, reconnaître les abus commis par l’Inquisition d’Espagne c’est défendre les Papes qui, sur des appels, ont très souvent infirmé, modifié, mitigé, les sentences trop sévères portées par elle.

L’autorité de Balmès, l’une des gloires catholiques de l’Espagne, suffira à la démonstration de cette opinion. Voici ce que je lis dans son magnifique ouvrage, Le Protestantisme comparé avec le Catholicisme :

« Le nombre des causes évoquées de l’Espagne à Rome est innombrable, durant les cinquante premières années de l’existence du tribunal ; il faut ajouter que Rome inclinait toujours au parti de l’indulgence. Je ne sais s’il serait possible de citer à cette époque un seul