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La Caridad, qui comprend une chapelle et un hospice, a été fondée par un homme, que l’on a confondu avec le fameux don Juan que les poètes et les musiciens ont rendu célèbre. Il s’appelait don Miguel de Mañara, et Alexandre Dumas ainsi que Mérimée l’ont mis en scène sous le non de don Juan de Marana.

La vérité, c’est que don Miguel de Mañara eut une jeunesse scandaleuse comme don Juan de Tenorio, le héros de Tirso de Molina, de Molière, de Mozart et de Byron, mais il se convertit à la suite d’une vision terrible dans laquelle il assista à ses propres funérailles, et il consacra ses biens et sa personne au service des pauvres et des malades.

J’ai vu à la Caridad d’incomparables peintures : ce sont deux grandes toiles de Murillo, la Multiplication des pains et Moïse frappant le rocher ; puis, une autre d’un réalisme effrayant par Valdès, représentant un cadavre rongé par les vers dans son tombeau. Comme a dit quelqu’un, il faut se boucher le nez quand on regarde ce tableau.

Le plus beau monument de Séville, après la cathédrale, est le palais des anciens rois maures, que les rois chrétiens ont subséquemment habité, agrandi, et restauré.

L’Alcazar est un palais admirable, dans le même style que l’Alhambra de Grenade, mais avec des proportions moins délicates, moins aériennes. Sans doute, la Cour des Damoiselles, celle des Poupées, la Salle des Ambassadeurs sont encore des merveilles de dessin, de couleurs, d’ornements. Comme à l’Alhambra, le travail est emblématique, orné de textes et d’arabesques, de manière à composer tout un poème. Mais tout cela n’a