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comme des voiles de navire, aux immenses manteaux bleus qui flottent. L’impression que produit cette cathédrale est toute religieuse, mais elle n’est pas triste ; c’est ce sentiment qui transporte la pensée dans les espaces sans fin, et dans les silences redoutables, où se noyait la pensée de Leopardi ; c’est un sentiment plein de désir et de hardiesse ; c’est le frisson voluptueux qu’on ressent au bord d’un abîme, le trouble et la confusion des grandes pensées, la divine terreur de l’infini. »

Séville possède un grand nombre d’autres églises plus ou moins remarquables, et riches en tableaux. Il en est deux dont la fondation, est assez romanesque — Sainte-Inez et la Caridad.

La première eut pour fondatrice dona Maria Coronel, dont la vertu égala la merveilleuse beauté. Épris pour elle d’un amour passionné, Pierre le Cruel avait fait condamner à mort son mari, et voulait lui accorder sa grâce au prix de son déshonneur. Mais la noble femme aimait trop son mari pour acheter sa vie à ce prix, et la sentence de mort fut exécutée.

Le tyran continua ses poursuites criminelles, et força la porte du couvent où la veuve s’était réfugiée. Mais la sainte femme défigura son beau visage avec l’huile chaude de sa lampe, et ce grand acte de vertu rappela le roi au sentiment de l’honneur.

Avec son autorisation, elle bâtit le couvent et la chapelle de Sainte-Inez, sur l’emplacement de la maison de son mari, qui avait été rasée après la sentence prononcée contre lui.