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« — Je ne puis m’attarder ; voici l’aube qui naît, et si l’on nous surprend à parler ici, Dieu sait ce que l’on en dira !

« — Pars, mais du moins ne m’oublie pas.

« — Moi, je ne t’oublie jamais. Maudite soit ta fenêtre d’être si haute !

« — Si tu veux une échelle, il y en a une dans l’église.

« — J’irai la demander bientôt.

« — Tu ne monteras pas autrement.

« — Adieu, soleil !

« — Adieu, étoile du matin !

« — Adieu, trésor !

« — Adieu, bel amoureux ! Qu’il est fier ! qu’il a bonne mine ! Je le voudrais contempler encore pendant qu’il traverse la clairière qui va d’ici à la chênaie. Petites étoiles luisantes, prêtez-moi votre clarté pour m’aider à suivre la trace de mon amant qui s’éloigne ! »

Quelle tendresse et en même temps quelle chasteté dans cet amour ! Quelle image naïve du sacrement de mariage dans cette échelle, qui est dans l’église, et sans laquelle le jeune amoureux ne pourra arriver jusqu’à la fenêtre si haute de sa fiancée !

Quelle prudence enfin dans cette réclusion relative imposée aux jeunes filles ! Elle rappelle bien ce proverbe espagnol :

« Les femmes ressemblent à la fumée qui trouve toujours par où sortir. À femme honnête, portes closes. »

C’est encore suivant les vieilles coutumes qu’on fait l’amour en Espagne, et, malgré tous les libelles plus ou moins salés des voyageurs, je crois que les mœurs espa-