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toutes les tempêtes de quelque côté qu’elles viennent m’assaillir. »

Nous voici donc à Séville. Que de souvenirs ce nom réveille ! Certains voyageurs y cherchent Figaro que Beaumarchais et Rossini ont illustré, mais qui est maintenant éclipsé par son frère de Paris. D’autres y veulent revoir don Juan, le héros toujours vivant, hélas ! de Byron Mozart. Quelques-uns courent au Salon d’Orient voir danser les gitanes, dans l’espoir d’y retrouver la fantasque Carmen que Bizet a si bien fait chanter.

Mais ce ne sont pas ces personnages qui ont fait la gloire de Séville, et ses monuments évoquent bien d’autres noms. Quand j’ai visité ce vieux survivant romain que l’on appelle la Tour d’Or, je songeais à Jules César, et aux grands découvreurs espagnols dont les vaisseaux, sont venus à quinze siècles d’intervalle, jeter l’ancre au pied du vieux donjon. Quand j’ai franchi le seuil de l’Alcazar, j’y cherchais les souvenirs des rois chrétiens, vainqueurs des Maures, de Ferdinand et d’Isabelle, et surtout de Charles-Quint qui a rempli le monde de la gloire espagnole. Quand je me suis fait ouvrir la bibliothèque Colombine, je n’y voulais voir et Je n’y ai vu que deux livres, ouverts dans une vitrine soigneusement fermée à clef : c’était un traité de cosmographie, annoté par Christophe Colomb, et un manuscrit dans lequel l’immortel découvreur s’efforçait de prouver, par des textes, que les écrivains sacrés et profanes avaient prédit la découverte du Nouveau-Monde, que son œil de prophète apercevait au-delà des mers.