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des vallées, les bosquets émaillent de fruits d’or les versants des collines, et mille ruisseaux secouent leurs panaches d’écume dans les gorges de la Sierra Nevada, dont les neiges immaculées rayent l’azur du ciel.

C’est ici l’époque des semailles. Les fermes sont pleines d’animation, et de longues files de bœufs traînent lentement de nombreuses charrues dans les champs. Çà et là s’allongent les haies de figuiers d’Arabie, ou de palmiers nains, et de grands troupeaux paissent à l’ombre des pins parasols.

Sur les cîmes escarpées des montagnes, des châteaux et des tours en ruines semblent pleurer leur glorieux passé ; de jolies petites villes, toutes blanches, se cachent dans la verdure des orangers ; et le soleil de décembre, aussi chaud dans l’Andalousie que notre soleil de mai, inonde de lumière ces admirables paysages.

Mais quelle est donc cette tour étrange qui se dresse à l’horizon ? C’est le clocher de la cathédrale de Séville, la fameuse Giralda. Vieille tour arabe, qui s’est convertie au christianisme après une jeunesse fort orageuse, et qui porte maintenant sur son front une colossale statue de la Foi, en bronze doré.

Cette statue tient un étendard dans sa main, et tourne sur elle-même comme une girouette. C’est de là que vient à la tour son nom de Giralda. Représenter ainsi la Foi me semble une idée assez baroque, puisque la Foi est immuable. Mais si cette statue pouvait parler, elle nous dirait sans doute : « ce n’est pas moi qui change, ce sont les vents, c’est-à-dire les courants d’opinions, qui tournent autour de moi, et je fais face à