Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 114 —

55 ans, c’est-à-dire l’âge où les hommes publics d’aujourd’hui font encore toutes les folies !

Sa devise était « plus ultra », et il semble qu’elle indiquât une ambition insatiable. Mais cette ambition était lasse de conquêtes terrestres, de renommée, de gloire, de richesses, de puissance, et le grand chrétien, en voulant à la fin conquérir le ciel, se montrait fidèle à sa devise. Plus ultra, il voulait atteindre cet au-delà mystérieux vers lequel nous tendons tous, et s’y assurer une bonne place !

Il avait fait neuf voyages en Allemagne, six aux Pays-Bas, quatre en France, deux en Angleterre, deux en Afrique : il lui en restait encore un à faire, le plus court et le plus long, le plus rapide et le plus dangereux, le voyage de cette vie à l’autre ; et pour traverser cet inconnu, il crut que le meilleur véhicule serait la cellule d’un couvent.

Ce n’est pas moi qui l’en blâmerai ; je connais trop cette vie, et je crois trop fermement à l’autre.

Mais on comprend qu’un homme, qui avait occupé une si grande place dans le monde, ne put pas en sortir aussi complètement qu’il l’aurait voulu. Malgré lui, il lui fallut suivre encore le mouvement de la politique européenne, dans l’intérêt de sa patrie qui ne cessait de le consulter.

C’est, en vain qu’il voulut mener la vie d’un cénobite, et n’être dorénavant que le frère Charles, il resta malgré lui un doublé personnage, et sa correspondance prouve qu’il fut obligé d’être encore une espèce de souverain