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ce visage qui faisait naguère l’admiration de son siècle, il s’écria : « Je n’aurai plus jamais d’attachement pour aucun maître que la mort me puisse ravir, et Dieu seul sera l’objet de mes pensées et de mon amour ! »

À côté de Ferdinand et Isabelle, je regrette que l’on n’ait pas élevé au grand capitaine Gonzalve de Cordoue un mausolée digne de lui. Car sa gloire n’a pas été surfaite, et l’Espagne a droit d’être fière de son héros. Aussi suis-je attristé de ne pas le voir dormant son dernier sommeil aux côtés des souverains qu’il a faits si grands. Sa tombe est à peine visible à l’église de saint Jérôme, où repose le grand homme. C’est une simple dalle de marbre, dans le pavé, avec une inscription fort simple, dont les derniers mots signifient que sa gloire n’est pas ensevelie avec lui.

Mais on montre dans la sacristie de la cathédrale un document d’une rare originalité et du plus touchant intérêt pour ceux qui admirent Gonzalve de Cordoue. C’est une copie des comptes que le grand capitaine rendit au roi, à sa demande, après toutes ses victoires et ses conquêtes.

Les trésoriers du royaume de Naples, à l’esprit mesquin et terre-à-terre, avaient réussi à convaincre le roi que l’illustre général devait rendre compte des sommes énormes, qui lui avaient été avancées pour les frais de la guerre.

Le grand homme répondit avec fierté que ses comptes seraient prêts le lendemain, et il n’y fit pas défaut. Il comparut à l’heure fixée, et, ouvrant un livre volumineux, il lut à haute voix le chapitre de ses dépenses,