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et leurs attitudes, comme leurs pas, donnent à penser qu’elles sont prises de coliques. Puis la musique change de mesure, et la danse consiste en des battements de pieds et de castagnettes.

Toute cette pantomime se fait avec un sérieux extraordinaire, et j’ai remarqué des danseurs qui semblaient regarder le ciel d’un œil inspiré. Il est juste d’ajouter que les danses exécutées devant nous étaient modestes.

Les Gitanos ont une espèce de gouvernement à eux propre, et une sorte de demi-souveraineté, sous la forme monarchique. Leur roi, auquel nous nous sommes fait présenter, et qui se nomme Antonio Torquado, est un guitariste tout-à-fait remarquable.

C’est lui qui dirigeait les chants et la danse dans la représentation que nous avons eue, et il nous a charmés. Il a exécuté sur la guitare de véritables tours de force, et de sa belle voix de baryton il nous a chanté les romances les plus originales.

Il est du reste aussi convaincu de ses mérites, que de la majesté de son rang. Il appelle le roi Alphonse et le Prince de Galles, qu’il a reçus chez lui, ses cousins. Il nous a montré avec orgueil une très belle carabine que le Prince de Galles lui a donnée.

Une troupe de petits Gitanos, déguenillés, se sont acharnés à nous suivre quand nous avons voulu rentrer dans Grenade. Ils demandaient des sous avec toutes sortes d’attitudes, et sur tous les tons imaginables, et plus nous leur en donnions, plus ils criaient pour en avoir d’autres. Il a fallu en jeter bien loin derrière nous, et fouetter les chevaux pour leur échapper.