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Naturellement, il faut en rabattre un peu de ces tableaux imaginaires, et de ces visions idéales ; mais il n’en est pas moins vrai que l’Andalousie est un admirable pays, et si j’avais à distribuer un prix de beauté entre les cités andalouses, je crois que je le décernerais à Grenade, plutôt qu’à Séville, qu’on appelle cependant la Reine de l’Andalousie.

En sortant hier de l’Alhambra, je vous ai promis un contraste dans les pauvres réduits qu’habitent les Gitanos, espèce de Bohémiens qu’on dit d’extraction juive. Eh ! bien, vous allez en juger.

Pour arriver à leurs quartiers-généraux, il faut longer le Darro jusqu’à l’endroit où cette rivière est profondément encaissée dans les montagnes. La rue est étroite, et de chaque côté se dressent de hautes maisons blanchies à la chaux, de construction bizarre, tantôt moderne tantôt arabe.

Sur nos têtes menacent de s’écrouler les fortifications de l’Alhambra, avec leur enceinte de tours carrées, perchées sur l’extrême bord du précipice, et dentelant le ciel bleu de leurs créneaux rouges à une hauteur formidable.

Nous sortons de la civilisation, et nous entrons dans la nature sauvage. Plus de maisons blanches ouvrant devant nous leurs patios hospitaliers ; plus de jardins étalant leurs berceaux de verdure, leurs guirlandes de fleurs, et les fruits d’or de leurs orangers.

Des deux côtés, les montagnes se resserrent, et dans leurs flancs apparaissent les ouvertures des grottes des Gitanos, formant trois et quatre rangs, étagés les uns