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Cela me rappelle qu’un jour j’ai rencontré à bord d’un steamer un jeune Canadien revenant des États-Unis, tout-à-fait yankéfié, et accompagné d’un joli chien de Terreneuve.

— Quel beau terreneuve vous avez-là, lui dis-je.

— Ce n’est pas un terreneuve, répondit-il, c’est un newfoundland.

— Ah ! j’avais cru…

— Non, monsieur.

Je racontai la chose à plusieurs passagers, et ils s’amusèrent à le féliciter tour-à-tour sur son terreneuve. Mais le jeune homme leur répondait imperturbablement : « Pardon, monsieur, c’est un newfoundland. »

En nous éloignant des côtes, sur les bancs toujours brumeux nous rencontrons quelques goélettes de pêcheurs, et des troupes de goélands. Cela me remet en mémoire une chanson que Turquety met dans la bouche des jeunes filles bretonnes vivant au bord de la mer :

Goélands, goélands !
Ramenez-nous nos amants.

Il y a de ces oiseaux de mer qui nous suivent toute la traversée, planant au-dessus de la vague, le col tendu, et attendant leur nourriture. Aussitôt que les cuisiniers du vaisseau leur ont jeté la manne qu’ils guettent, ils s’abattent d’un coup d’aile et sauvent leur dîner du naufrage. Leur voracité a de quoi se satisfaire, et ils font la noce, sans craindre le mal de mer.