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naturel que celui de l’Intonation, l’invention de ces deux choses n’a pu se faire séparément.

La Mesure des Grecs tenoit à leur Langue ; c’étoit la Poésie qui l’avoit donnée à la Musique ; les Mesures de l’une répondoient aux pieds de l’autre : on n’auroit pas pu mesurer de la prose en Musique. Chez nous, c’est le contraire : le peu de prosodie de nos Langues fait que dans nos Chants la valeur des Notes détermine la quantité des syllabes ; c’est sur la Mélodie qu’on est forcé de scander le discours ; on n’apperçoit pas même si ce qu’on chante est vers ou prose : nos Poésies n’ayant plus de pieds, nos Vocales n’ont plus de Mesures ; le Chant guide & la parole obéit.

La Mesure tomba dans l’oubli, quoique l’Intonation fût toujours cultivée, lorsqu’après les victoires des Barbares les Langues changerent de caractere & perdirent leur Harmonie. Il n’est pas étonnant que le Mètre, qui servoit à exprimer la Mesure de la Poésie, fût négligé dans des tems où on ne la sentoit plus, & où l’on chantoit moins de vers que de prose. Les Peuples ne connoissoient gueres alors d’autre amusement que les cérémonies’de l’Eglise, ni d’autre Musique que celle de l’Office, & comme cette Musique n’exigeoit pas la régularité du Rhythme, cette partie fut enfin tout-à-fait oubliée. Gui nota sa Musique avec des points qui n’exprimoient pas des quantités différentes, & l’invention des Notes fut certainement postérieure à cet Auteur.

On attribue communément cette invention des diverses valeurs des Notes à Jean de Muris, vers l’an 1330. Mais le