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plus doux. Tantôt il liera toutes ses Parties par des Sons continus & coulés ; tantôt il les sera contraster sur le Chant par des Notes piquées. Tantôt il frappera l’oreille par des Accords pleins ; tantôt il renforcera l’Accent par le choix d’ un seul Intervalle. Par-tout il rendra présent & sensible l’enchaînement des Modulations, & sera servir la Basse & son Harmonie à déterminer le lieu de chaque passage dans le Mode, afin qu’on n’entende jamais un Intervalle ou un trait de Chant, sans sentir en même tems son rapport avec le tout.

À l’égard du Rhythme, jadis si puissant pour donner de la forcé, de la variété, de l’ agrément à l’Harmonie Poétique ; si nos Langues, moins accentuées & moins prosodiques, ont perdu le charme qui en résultoit, notre Musique en substitue un autre plus indépendant du discours, dans l’égalité de la Mesure, & dans les diverses combinaisons de ses Tems, soit à la fois dans le tout, soit séparément dans chaque Partie. Les quantités de la Langue sont presque perdues sous celles des Notes ; & la Musique, au lieu de parler avec la parole, emprunte, en quelque sorte, de la Mesure, un langage à part. La forcé de l’Expression consiste, en cette partie, à réunir ces deux langages le plus qu’il est possible, & à faire que, si la Mesure & le Rhythme ne parlent pas de la même maniere, ils disent au moins les mêmes choses.

La gaieté qui donne de la vivacité à tous nos mouvemens, en doit donner de même à la Mesure ; la tristesse resserre le cœur, ralentit les mouvemens, & la même langueur