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DESSEIN, s. m. C’est l’invention & la conduite du sujet, la disposition de chaque Partie, & l’ordonnance générale du tout.

Ce n’est pas assez de faire de beaux Chants & une bonne Harmonie ; il faut lier tout cela par un sujet principal, auquel se rapportent toutes les parties de l’ouvrage, & par lequel il soit un. Cette unité doit régner dans le Chant, dans le Mouvement, dans le Caractere, dans l’Harmonie, dans la Modulation. Il faut que tout cela se rapporte à une idée commune qui le réunisse. La difficulté est d’associer ces préceptes avec une élégante variété, sans laquelle tout devient ennuyeux. Sans doute le Musicien, aussi-bien que le Poete & le Peintre, peut tout oser en faveur de cette variété charmante, pourvu que, sous prétexte de contraster, on ne nous donne pas pour des ouvrages bien-dessinés, des Musiques toutes hachées, composées de petits morceaux étranglés, & de caracteres si opposés, que l’assemblage en fasse un tout monstrueux.

Non ut placidis cocant immitia, non ut

Serpentes avibus geminentur, tigribus agni.

C’est donc dans une distribution bien entendue, dans une juste proportion entre toutes les parties, que consiste la perfection du Dessein, & c’est sur-tout en ce point que l’ immortel Pergolèse a montré son jugement, son goût, & a laissé si loin derriere lui tous ses rivaux. Son Stabat Mater, son Orfeo, sa Serva Padrona sont, dans trois genres différens, trois chef-d’œuvres de Dessein également parfaits.