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que notre langue peut fournir, tournes de retournes de toutes les manieres, excepte de celle qui pourroit leur donner du sens. C’est sur ces impertinens amphigouris que nos Musiciens épuisent leur goût & leur savoir, & nos Acteurs leurs gestes & leurs poumons ; c’est a ces morceaux extravagans que nos femmes se pâment d’admiration ; & la preuve la plus marquée que la Musique Françoise ne fait ni peindre ni parler, c’est qu’elle ne peut développer le peu de beautés dont elle est susceptible, que sur des paroles qui ne signifient rien. Cependant, à entendre les François parler de Musique, on croiroit que c’est dans leurs Opéra qu’elle peint de grands tableaux & de grandes passions, & qu’on ne trouve que des ariettes dans les Opéra Italiens, ou le nom même d’ariette & la ridicule chose qu’il exprime sont également inconnus. Il ne faut pas être surpris de la grossièreté de ces préjugés : la Musique Italienne n’a d’ennemis, même parmi nous, que ceux qui n’y connoissent rien ; & tous les François qui ont tente de l’étudier dans le seul dessein de la critiquer en connoissance de cause, ont bientôt été ses plus zèles admirateurs.*

[*C’est un préjuge peu favorable a la Musique Françoise, que ceux qui la méprirent le plus soient précieusement ceux qui la connoissent le mieux ; car elle est aussi ridicule quand on l’examine, qu’insupportable quand on l’écoute.]

Après les ariettes, qui sont a Paris le triomphe du goût moderne, viennent les fameux monologues qu’on admire dans nos anciens Opéra : sur quoi l’on doit remarquer que nos plus beaux airs sont toujours dans les monologues &