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aux trois divers états sous lesquels on peut considérer les hommes rassemblés en nations. La peinture des objets convient aux peuples sauvages ; les signes des mots & des propositions, aux peuples barbares, & l’alphabet, aux peuples policés.

Il ne faut donc pas penser que cette derniere invention soit une preuve de la haute antiquité du peuple inventeur. Au contraire, il est probable que le peuple qui l’a trouvée avoit en vue une communication plus facile avec d’autres peuples parlant d’autres langues, lesquels du moins étoient ses contemporains & pouvoient être plus anciens que lui. On ne peut pas dire la même chose des deux autres méthodes. J’avoue cependant que, si l’on s’en tient à l’histoire & aux faits connus, l’écriture par alphabet paroît remonter aussi haut qu’aucune autre. Mais il n’est pas surprenant que nous manquions de monumens des tems où l’on n’écrivoit pas.

Il est peu vraisemblable que les premiers qui s’aviserent de résoudre la parole en signes élémentaires oient fait d’abord des divisions bien exactes. Quand ils s’aperçurent ensuite de l’insuffisance de leur analise, les uns, comme les Grecs, multiplierent les caractères de leur alphabet, les autres se contenterent d’en varier le sens ou le son par des positions ou combinaisons différentes. Ainsi paraissent écrites les inscriptions des ruines de Tchelminar, dont Chardin nous a tracé des ectypes. On n’y distingue que deux figures ou caractères (*), mais de diverses grandeurs & posés en différens sens.


« Des gens s’étonnent, dit Chardin, que deux figures puissent faire tant de lettres : mais pour moi je ne vois pas là de quoi s’étonner si fort,