Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais de quel éclat ? Le goût du faste ne s’associe guère dans les mêmes ames avec celui de l’honnête. Non, il n’est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futiles s’élèvent jamais à rien de grand ; et, quand ils en auroient la force, le courage leur manqueroit.

Tout Artiste veut être applaudi. Les éloges de ses contemporains sont la partie la plus précieuse de ses récompenses. Que fera-t-il donc pour les obtenir, s’il a le malheur d’être né chez un Peuple & dans des temps où les Savans devenus à la mode ont mis une jeunesse frivole en état de donner le tout, où les hommes ont sacrifié leur goût aux Tyrans de leur liberté ;* [*Je suis bien éloigné de penser que cet ascendant des femmes soit un mal en soi. C’est un présent que leur a fait la nature pour le bonheur du genre-humain : mieux dirigé, il pourroit produire autant de bien qu’il fait de mal aujourd’hui. On ne sent point assez quels avantages naîtroient dans la société d’une meilleure éducation donnée à cette moitié du genre-humain qui gouverne l’autre. Les hommes seront toujours ce qu’il plaira aux femmes : si vous voulez donc qu’ils deviennent grands & vertueux, apprenez aux femmes ce que c’est que grandeur d’ame & vertu. Les réflexions que ce sujet fournit, & que Platon a faites autrefois, mériteroient fort d’être mieux développées par une plume digne d’écrire d’après un tel maître & de défendre une si grande cause.] où, l’un des sexes n’osant approuver que ce qui est proportionné à la pusillanimité de l’autre, on laisse tomber des chefs-d’œuvre de Poésie dramatique, et des prodiges d’harmonie sont rebutés ? Ce qu’il fera, Messieurs ? il rabaissera son génie au niveau de son siècle, & aimera mieux composer des ouvrages communs qu’on admire pendant sa vie, que des merveilles qu’on n’admireroit que longtemps après sa mort. Dites-nous, célèbre Arouet, combien vous avez sacrifié