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preſque auſſi large que longue, & autrement diviſée en-dedans ; comme entre autres le Creſſon alenois, dit Naſitort ou Natou, le Thlaspi appellé Taraſpi par les Jardiniers, le Cochléaria, la Lunaire, qui, quoique la gouſſe en ſoit fort grande, n’eſt pourtant qu’une ſilicule, parce que ſa longueur excede peu ſa largeur. Si vous ne connoiſſez ni le Creſſon alenois, ni le Cochléaria, ni le Thlaspi, ni la Lunaire, vous connoiſſez, du moins je le préſume, la Bourſe-à-paſteur, ſi commune parmi les mauvaiſes herbes des jardins. Hé bien, Couſine, la Bourſe-à-paſteur eſt une Crucifere à ſilicule, dont la ſilicule eſt triangulaire. Sur celle-là vous pouvez vous former une idée des autres, juſqu’à ce qu’elles vous tombent ſous la main.

Il eſt tems de vous laiſſer reſpirer, d’autant plus que cette Lettre, avant que, la ſaiſon vous permette d’en faire uſage, ſera j’eſpere ſuivie de pluſieurs autres, ou je pourrai ajouter ce qui reſte à dire de néceſſaire ſur les Cruciferes & que je n’ai pas dit dans celle-ci. Mais il eſt bon peut-être de vous prévenir dès-à-préſent que dans cette famille & dans beaucoup d’autres vous trouverez ſouvent des Fleurs beaucoup plus petites que la Giroflée, & quelquefois ſi petites que vous ne pourrez gueres examiner leurs parties qu’à la faveur d’une loupe ; inſtrument dont un Botaniſte ne peut ſe paſſer, non plus que d’une pointe, d’une lancette & d’une paire de bons ciſeaux fins à découper. En penſant que votre zele maternel peut vous mener juſques-là, je me fais un tableau charmant de ma belle Couſine empreſſée avec ſon verre à éplucher des monceaux de Fleurs, cent fois moins fleuries, moins fraîches & moins agréables qu’elle. Bon jour, Couſine, juſqu’au chapitre ſuivant.