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plante il y étoit parlé ; chacun en ſubſtituoit une à ſa fantaiſie, ſans autre ſoin que de lui donner le même nom. Voilà tout l’art que les Myrepſus, les Hildegardes, les Suardus, les Villanova & les autres Docteurs de ces tems-là mettoient à l’étude des plantes, dont ils ont parlé dans leurs livres, & il ſeroit difficile peut-être au peuple d’en reconnoître une ſeule ſur leurs noms ou ſur leurs descriptions.

À la renaiſſance des Lettres tout diſparut pour faire place aux anciens livres ; il n’y eut plus rien de bon & de vrai que ce qui étoit dans Ariſtote & dans Galien. Au lieu d’étudier les plantes ſur la terre, on ne les étudioit plus que dans Pline & Dioſcoride, & il n’y a rien ſi fréquent dans les Auteurs de ces tems-là, que d’y voir nier l’exiſtence d’une plante par l’unique raiſon que Dioſcoride n’en a pas parlé. Mais ces doctes plantes, il faloit pourtant les trouver en nature, pour les employer ſelon les préceptes du maître. Alors on s’évertua, l’on ſe mit à chercher, à obſerver, à conjecturer & chacun ne manqua pas de faire tous ſes efforts pour trouver dans la plante qu’il avoit choiſie les caracteres décrits dans ſon auteur ; & comme les traducteurs, les commentateurs, les praticiens s’accordoient rarement ſur le choix, on donnoit vingt noms à la même plante, & à vingt plantes le même nom, chacun ſoutenant que