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Oh, oh ! L’ami, lui dit Hercule, ne va pas faire ici le ſot. Te voici dans un ſéjour où les rats rongent le fer ; déclare promptement la vérité avant que je te l’arrache ; puis prenant un ton tragique pour lui en mieux impoſer, il continua ainſi :

Nomme à l’inſtant les lieux où tu reçus le jour,
Ou ta race avec toi va périr ſans retour.
De grands Rois ont ſenti cette lourde maſſue,
Et ma main dans ſes coups ne s’eſt jamais déçue ;
Tremble de l’éprouver encore à tes dépens.
Quel murmure confus entends-je entre tes dents ?
Parle, & ne me tiens pas plus long-tems en attente :
Quels climats ont produit cette tête branlante ?
Jadis dans l’Heſpérie au triple Géryon
J’allai porter la guerre, & par occaſion,
De ſes nobles troupeaux ravis dans ſon étable
Ramenai dans Argos le trophée honorable.
En route, aux pieds d’un mont doré par l’orient,
Je vis ſe réunir dans un ſéjour riant,
Le rapide courant de l’impétueux Rhône ;
Et le cours incertain de la paiſible Saône :
Eſt-ce là le pays où tu reçus le jour ?

Hercule en parlant de la ſorte affectoit plus d’intrépidité qu’il n’en avoit dans l’ame, & ne laiſſoit pas de craindre la main d’un fou. Mais Claude lui voyant l’air d’un homme réſolu qui n’entendoit pas raillerie, jugea qu’il n’étoit pas-là