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Les Provinces les plus éloignées & celles que la mer ſéparoit des troupes reſterent à Othon ; moins pour l’amour de lui, qu’à cauſe du grand poids que donnoit à ſon parti le nom de Rome & l’autorité du Sénat, outre qu’on penchoit naturellement pour le premier reconnu[1]. L’armée de Judée, par les ſoins de Veſpasien, & les légions de Syrie par ceux de Mucianus, prêterent ſerment à Othon. L’Egypte & toutes les Provinces d’Orient reconnoiſſoient ſon autorité. L’Afrique lui rendoit la même obéiſſance à l’exemple de Carthage, où, sans attendre les ordres du Proconſul Vipsanius Apronianus, Creſcens, affranchi de Néron, ſe mêlant, comme ſes pareils, des affaires de la République dans les tems de calamités, avoir en réjouiſſance de la nouvelle élection donné des fêtes au peuple qui ſe livroit étourdiment à tout. Les autres villes imiterent Carthage. Ainſi les armées & les provinces ſe trouvoient tellement partagées que Vitellius avoit beſoin des ſuccès de la guerre pour ſe mettre en poſſeſſion de l’Empire.

Pour Othon, il faiſoit, comme en pleine paix, les fonctions d’Empereur, quelquefois ſoutenant la dignité de la République, mais plus ſouvent l’aviliſſant en ſe hâtant de régner. Il déſigna ſon frere Titianus, Conſul avec lui, jusqu’au premier de mars, & cherchant à ſe concilier l’armée d’Allemagne, il deſtina les deux mois ſuivans à Verginius, auquel il donna Poppæus Vopiſcus pour Collegue, ſous prétexte d’une

  1. L’élection de Vitellius avoit précédé celle d’Othon ; mais au-delà des mers le bruit de celle-ci avoit prévenu le bruit de l’autre, ainſi Othon étoit dans ces régions le premier reconnu.