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sont punis. Ira-t-on protester seul contre tout cela, recuser les Loix de son pays, & renier la Religion de son pere ? Qui l’oserait ? On se soumet en silence, l’intérêt veut qu’on soit de l’avis de celui dont on hérite. On fait donc comme les autres, sauf à rire à son aise en particulier de ce qu’on feint de respecter en public. Voilà, Monseigneur, comme pense le gros des hommes dans la plupart des Religions, & sur-tout dans la vôtre ; & voilà la clef des inconséquences qu’on remarque entre leur morale & leurs actions. Leur croyance n’est qu’apparence, & leurs mœurs sont comme leur foi.

Pourquoi un homme a-t-il inspection sur la croyance d’un autre, & pourquoi l’état a-t-il inspection sur celle des Citoyens ? C’est parce qu’on suppose que la croyance des hommes détermine leur morale, & que des idées qu’ils ont de la vie à venir dépend leur conduite en celle-ci. Quand cela n’est pas, qu’importe ce qu’ils croyent, ou ce qu’ils font semblant de croire ? L’apparence de la Religion ne sert plus qu’à les dispenser d’en avoir une.

Dans la société chacun est en droit de s’informer si un autre se croit obligé d’être juste, & le Souverain est en droit d’examiner les raisons sur lesquelles chacun fonde cette obligation. De plus, les formes nationales doivent être observées ; c’est sur quoi j’ai beaucoup insisté. Mais quant aux opinions qui ne tiennent point à la morale, qui n’influent en aucune maniere sur les actions, & qui ne tendent point à transgresser les Loix, chacun n’a là-dessus que son jugement pour maître, & nul n’a ni droit ni intérêt de prescrire à