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soient pas décrétés. Ils vivent en gens persuadés que non-seulement il faut confesser tel & tel article, mais que cela suffit pour aller en paradis : & moi je pense, au contraire, que l’essentiel de la Religion consiste en pratique ; que non-seulement il faut être homme de bien, miséricordieux, humain, charitable ; mais que quiconque est vraiment tel, en croit assez pour être sauvé. J’avoue, au reste, que leur doctrine est plus commode que la mienne, & qu’il en coûte bien moins de se mettre au nombre des fideles par des opinions que par des vertus.

Que si j’ai dû garder mes sentiments pour moi seul, comme ils ne cessent de le dire ;si lorsque j’ai eu le courage de les publier & de me nommer, j’ai attaqué les Loix & troublé l’ordre public, c’est ce que j’examinerai tout-à-l’heure. Mais qu’il me soit permis auparavant de vous supplier, Monseigneur, vous & tous ceux qui liront cet écrit, d’ajouter quelque foi aux déclarations d’un ami de la vérité, & de ne pas imiter ceux qui, sans preuve, sans vraisemblance, & sur le seul témoignage de leur propre cœur, m’accusent d’athéisme & d’irréligion, contre des protestations si positives, & que rien de ma part n’a jamais démenties. Je n’ai pas trop, ce me semble, l’air d’un homme qui se déguise, & il n’est pas aisé de voir quel intérêt j’aurois à me déguiser ainsi. L’on doit présumer que celui qui s’exprime si librement sur ce qu’il ne croit pas, est sincere en ce qu’il dit croire ; & quand ses discours, sa conduite & ses écrits sont toujours d’accord sur ce point, quiconque ose affirmer qu’il ment, & n’est pas un Dieu, ment infailliblement lui-même.