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qu’ils ont vaincus & subjugues. Nous devrions donc être plus forts nous-mêmes qui, pour la. plupart, descendons de ces nouveaux venus ; mais les premiers Romains vivoient en hommes,*

[* Le Romains etoient les hommes les plus petits & les plus foibles de tous les peuples de l’Italie ; & cette différence étoit si grande, dit Tite-Live, qu’elle s’appercevoit au premier coup-d’œil dans les troupes des uns & les autres. Cependant l’exercice & la discipline prévalurent tellement sur la Nature, que les foibles firent ce que ne pouvoient faire les forts, & les vainquirent.] & trouvoient dans leurs continuels exercices la vigueur que la Nature leur avoir refusée, au lieu que nous perdons la nôtre dans la vie indolente & lâche où nous réduit la dépendance du sexe. Si les Barbares dont je viens de parler vivoient avec les femmes, ils ne vivoient pas pour cela comme elles ; c’etoient elles qui avoient le courage de vivre comme eux, ainsi que faisoient aussi celles de Sparte. La femme se rendoit robuste, & l’homme ne s’énervoit pas.

Si ce soin de contrarier la Nature est nuisible au corps, il l’est encore plus à l’esprit. Imaginez quelle peut être la trempe de lame d’un homme uniquement occupe de l’importante affaire d’amuser les femmes, & qui passe sa vie entiere à faire pour elles, ce qu’elles devroient faire pour nous, quand épuises de travaux dont elles sont incapables, nos esprits ont besoin de délassement. Livres à ces pueriles habitudes à quoi pourrions-nous jamais nous élever de grand ? Nos talens, nos ecrits se sentent de nos frivoles occupations :*

[*Les femmes, en général, n’aiment aucun art, ne se connoissent à aucun, & n’ont aucun génie. Elles peuvent réussir aux petits ouvrages qui ne demandent que de la légèreté d’esprit, du goût, de la grace, quelquefois même de la philosophie & du raisonnement. Elles peuvent acquérir de la science, de l’érudition, des talens, & tout ce qui s’acquiert à force de travail. Mais ce feu céleste qui échauffe & embrase l’ame, ce génie qui consume & dévore, cette brûlante éloquence, ces transports sublimes qui portent leurs ravissemens jusqu’au fond des cœurs, manqueront toujours aux ecrits des femmes : ils sont tous froids jolis comme elles ; ils auront tant d’esprit que vous voudrez, jamais d’ame ; ils seroient cent fois plutôt sensés que passionnes. Elles ne savent ni décrire ni sentir l’amour même. La seule Sapho, que je sache une autre, mériterent d’être exceptées. Je parierois tout au monde les Lettres Portugaises ont été écrites par un homme. Or par-tout où dominent les femme, leur, goût doit aussi dominer : & voilà ce qui détermine celui de notre siecle.] agréables, si l’on veut, mais petits & froids comme