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n’en vaut pas mieux à mettre au Théâtre avec un air d’approbation, comme pour exciter les âmes perfides à punir, sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens.

Dat veniam corvis, vexat censura columbas.

Voilà l’esprit général de Molière et de ses imitateurs. Ce sont des gens qui, tout au plus, raillent quelquefois les vices, sans jamais faire aimer la vertu ; de ces gens, disait un Ancien, qui savent bien moucher la lampe, mais qui n’y mettent jamais d’huile.

Voyez comment, pour multiplier ses plaisanteries, cet homme trouble tout l’ordre de la Société ; avec quel scandale il renverse tous les rapports les plus sacrés sur lesquels elle est fondée ; comment il tourne en dérision les respectables droits des pères sur leurs enfants, des maris sur leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs ! il fait rire, il est vrai, et n’en devient que plus coupable, en forçant, par charme invincible, les Sages mêmes de se prêter à des railleries qui devraient attirer leur indignation. J’entends dire qu’il attaque les vices ; mais je voudrais bien que l’on comparât ceux qu’il attaque avec ceux qu’il favorise. Quel est le plus blâmable d’un Bourgeois sans esprit et vain qui fait sottement le Gentilhomme, ou du Gentilhomme fripon qui le dupe. Dans la Piece dont je parle, ce dernier n’est-il pas l’honnête homme ? N’a-t-il pas pour lui l’intérêt et le Public n’applaudit-il pas à tous les tours qu’il fait à l’autre ? Quel est le plus criminel d’un Paysan assez fou pour épouser une Demoiselle, ou d’une femme qui cherche à déshonorer