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tous les autres qui peuvent importer à la foi, mais nullement au bien terrestre, unique objet de la Législation : car, comment le mystere de la Trinité, par exemple, peut-il concourir à la bonne constitution de l’Etat ? en quoi ses membres seront-ils meilleurs Citoyens, quand ils auront rejeté le mérite des bonnes œuvres ? & que fait au lien de la société civile, le dogme du péché originel ? Bien que le Christianisme soit une institution de paix, qui ne voit que le Christianisme dogmatique ou théologique, est, par la multitude & l’obscurité de ses dogmes, surtout par l’obligation de les admettre, un champ de bataille toujours ouvert entre les hommes, & cela sans qu’à force d’interprétations & de décisions on puisse prévenir de nouvelles disputes sur les décisions mêmes ?

L’autre expédient est de laisser le Christianisme tel qu’il est dans son véritable esprit, libre, dégagé de tout lien de chair, sans autre obligation que celle de la conscience, sans autre gêne dans les dogmes que les mœurs & les Loix. La Religion Chrétienne est, par la pureté de sa morale, toujours bonne & saine dans l’Etat, pourvu qu’on n’en fasse pas une partie de sa constitution, pourvu qu’elle y soit admise uniquement comme Religion, sentiment, opinion, croyance ; mais comme Loi politique, le Christianisme dogmatique est un mauvais établissement.

Telle est, Monsieur, la plus forte conséquence qu’on puisse tirer de ce Chapitre, où, bien-loin de taxer le pur Evangile*

[* Lettres écrites de la Campagne, pag. 30. ] d’être pernicieux à la société, je le trouve, en quelque