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l’autorité souveraine n’étant autre chose que la volonté générale, nous verrons comment chaque homme, obéissant au souverain, n’obéit qu’à lui-même, & comment on est plus libre dans le pacte social que dans l’état de nature.

Après avoir fait la comparaison de la liberté naturelle avec la liberté civile quant aux personnes, nous ferons, quant aux biens, celle du droit de propriété avec le droit de souveraineté, du domaine particulier avec le domaine éminent. Si c’est sur le droit de propriété qu’est fondée l’autorité souveraine, ce droit est celui qu’elle doit le plus respecter ; il est inviolable & sacré pour elle tant qu’il demeure un droit particulier & individuel ; sitôt qu’il est considéré comme commun à tous les citoyens, il est soumis à la volonté générale, & cette volonté peut l’anéantir. Ainsi le souverain n’a nul droit de toucher au bien d’un particulier, ni de plusieurs ; mais il peut légitimement s’emparer du bien de tous, comme cela se fit à Sparte au temps de Lycurgue, au lieu que l’abolition des dettes par Solon fut un acte illégitime.

Puisque rien n’oblige les sujets que la volonté générale, nous rechercherons comment se manifeste cette volonté, à quels signes on est sûr de la reconnaître, ce que c’est qu’une loi, & quels sont les vrais caractères de la loi. Ce sujet est tout neuf : la définition de la loi est encore à faire.

À l’instant que le peuple considère en particulier un ou plusieurs de ses membres, le peuple se divise. Il se forme entre le tout & sa partie une relation qui en fait deux êtres séparés, dont la partie est l’un, & le tout, moins cette partie, est l’autre. Mais le tout moins une partie n’est pas