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autre religion que celle où l’on est né, & une fausseté de ne pas pratiquer sincèrement celle qu’on professe. Si l’on s’égare, on s’ôte une grande excuse au tribunal du souverain juge. Ne pardonnera-t-il pas plutôt l’erreur où l’on fut nourri, que celle qu’on osa choisir soi-même ?

Mon fils, tenez votre âme en état de désirer toujours qu’il y ait un Dieu, & vous n’en douterez jamais. Au surplus, quelque parti que vous puissiez prendre, songez que les vrais devoirs de la religion sont indépendants des institutions des hommes ; qu’un cœur juste est le vrai temple de la Divinité ; qu’en tout pays & dans toute secte, aimer Dieu pardessus tout & son prochain comme soi-même, est le sommaire de la loi ; qu’il n’y a point de religion qui dispensé des devoirs de la morale ; qu’il n’y a de vraiment essentiels que ceux-là ; que le culte intérieur est le premier de ces devoirs, & que sans la foi nulle véritable vertu n’existe.

Fuyez ceux qui, sous prétexte d’expliquer la nature, sèment dans les cœurs des hommes de désolantes doctrines, & dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif & que le ton décidé de leurs adversaires. Sous te qu’eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne impérieusement à leurs décisions tranchantes, et prétendent nous donner pour les vrais principes des choses les inintelligibles systèmes qu’ils ont bâtis dans leur imagination. Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants & aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent du