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puis consentir ; & le même motif qui m’ôta toujours le courage de vous faire un refus me doit rendre inexorable sur celui-ci. Le sujet est de la derniere importance, & je vous exhorte à bien peser mes raisons. Premierement, il me semble que votre extrême délicatesse vous jette à cet égard dans l’erreur, & je ne vois point sur quel fondement la plus austere vertu pourroit exiger une pareille confession. Nul engagement au monde ne peut avoir un effet rétroactif. On ne sauroit s’obliger pour le passé, ni promettre ce qu’on n’a plus le pouvoir de tenir : pourquoi devroit-on compte à celui à qui l’on s’engage de l’usage antérieur qu’on a fait de sa liberté, & d’une fidélité qu’on ne lui a point promise ? Ne vous y trompez pas, Julie ; ce n’est pas à votre époux, c’est à votre ami que vous avez manqué de foi. Avant la tyrannie de votre pere, le Ciel, & la nature nous avoient unis l’un à l’autre. Vous avez fait, en formant d’autres nœuds, un crime que l’amour ni l’honneur peut-être ne pardonne point, & c’est à moi seul de réclamer le bien que M. de Wolmar m’a ravi.

S’il est des cas où le devoir puisse exiger un pareil aveu, c’est quand le danger d’une rechute oblige une femme prudente à prendre des précautions pour s’en garantir. Mais votre lettre m’a plus éclairé que vous ne pensez sur vos vrais sentimens. En la lisant, j’ai senti dans mon propre cœur combien le vôtre eût abhorré de près, même au sein de l’amour, un engagement criminel dont l’éloignement nous ôtoit l’horreur.

Des là que le devoir, & l’honnêteté n’exigent pas cette