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graves actions de la vie se font en dansant. Les prêtres dansent, les soldats dansent, les Dieux dansent, les diables dansent ; on danse jusque dans les enterrements & tout danse à propos de tout.

La danse est donc le quatrieme des beaux-arts employés dans la constitution de la scene lyrique ; mais les trois autres concourent à l’imitation ; & celui-là, qu’imite-t-il ? Rien. Il est donc hors d’œuvre quand il n’est employé que comme danse : car que font des menuets, des rigodons, des chaconnes, dans une tragédie ? Je dis plus : il n’y seroit pas moins déplacé s’il imitoit quelque chose, parce que, de toutes les unités, il n’y en a point de plus indispensable que celle du langage ; & un opéra où l’action se passeroit moitié en chant, moitié en danse, seroit plus ridicule encore que celui où l’on parleroit moitié françois, moitié italien.

Non contens d’introduire la danse comme partie essentielle de la scene lyrique, ils se sont même efforcés d’en faire quelquefois le sujet principal & ils ont des opéras appelés ballets qui remplissent si mal leur titre, que la danse n’y est pas moins déplacée que dans tous les autres. La plupart de ces ballets forment autant de sujets séparés que d’actes & ces sujets sont liés entre eux par de certaines relations métaphysiques dont le spectateur ne se douteroit jamais si l’auteur n’avoit soin de l’en avertir dans un prologue. Les saisons, les âges, les sens, les éléments ; je demande quel rapport ont tous ces titres à la danse & ce qu’ils peuvent offrir de ce genre à l’imagination. Quelques-uns même sont purement allégoriques, comme le carnaval & la folie ; & ce sont les plus