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de violence ? As-tu pu, dis, Julie, as-tu pu renoncer pour jamais… Non, non : ce tendre cœur m’aime, je le sais bien. Malgré le sort, malgré lui-même, il m’aimera jusqu’au tombeau… Je le vois, tu t’es laissé suggérer [1].... quel repentir éternel tu te prépares !…Hélas ! il sera trop tard !… Quoi ! tu pourrois oublier… Quoi ! je t’aurois mal connue !… Ah ! songe à toi, songe à moi, songe à… écoute, il en est tems encore… Tu m’as chassé avec barbarie, je fuis plus vite que le vent… Dis un mot, un seul mot, & je reviens plus prompt que l’éclair. Dis un mot, & pour jamais nous sommes unis : nous devons l’être… nous le serons… Ah ! l’air emporte mes plaintes !… & cependant je fuis ; je vais vivre & mourir loin d’elle !…Vivre loin d’elle !…




LETTRE III.


DE MILORD EDOUARD À JULIE.


Votre cousine vous dira des nouvelles de votre ami. Je crois d’ailleurs qu’il vous écrit par cet ordinaire. Commencez par satisfaire là-dessus votre empressement, pour lire ensuite posément cette lettre ; car je vous préviens que son sujet demande toute votre attention.

Je connois les hommes ; j’ai vécu beaucoup en peu d’années ; j’ai acquis une grande expérience à mes dépens, &

  1. La suite montre que ses soupçons tomboient sur Milord Edouard, & que Claire les a pris pour elle.